Management package : Adieu BSA… et Vive les actions de préférence négatives?

28/07/2014

Management package : Adieu BSA… et Vive les actions de préférence négatives ?

 La nouvelle fiscalité relative aux plus-values mobilières et la dureté des contrôles fiscaux relatifs aux packages amènent à revisiter les outils utilisables. Pour les sociétés non éligibles aux « BSPCE » (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise, qui bénéficient d’un régime fiscal très favorable), les actions de préférence « négatives » sont une des pistes à explorer.

 La récente réforme des plus-values mobilières, qui incorpore et soumet les plus-values de cessions de valeurs mobilières au barème progressif de l’IRRP tout en conditionnant la possibilité de bénéficier d’abattement à une durée de détention de l’action, a fait perdre beaucoup de leurs charmes aux bons de souscriptions d’actions (BSA). En tant que simple option de souscription, ceux-ci, par définition, ne peuvent bénéficier de ce régime, réservé aux seules actions, qu’elles soient ordinaires ou de préférence.

En outre depuis le 1er janvier 2014, ces BSA ne peuvent plus être souscrits en PEA. Ces réformes vont de pair avec un singulier durcissement de l’administration fiscale et des juridictions administratives vis-à-vis des instruments de management package et notamment des BSA.

 Vent mauvais sur les packages

 Les récentes décisions fiscales rendues en matière de management package relatives à des BSA prouvent que ni les Cour d’appel administratives ni encore le comité de l’abus de droit (dans l’attente d’une décision du Conseil d’Etat) n’hésitent à requalifier en traitement et salaire (ou en BNC, selon les cas), la plus-value résultant de la cession des actions souscrites sur utilisation des BSA.

Cette requalification apparaît quasi certaine si ces instruments ont été attribués gratuitement, sans prise de risque financière de bénéficiaire (voir notamment l’affaire « Quick » CAA Versailles 3ème chambre 28 janvier 2014). 

 Mais le seul paiement des BSA à un prix de marché n’est pas en soi un critère suffisant pour éviter une telle requalification. Dans ses avis rendus en date du 29 novembre 2013 (voir notamment affaire 2013-36) au sujet de la sortie d’un LBO, le comité des abus de droit a considéré que la souscription, par des dirigeants, d’ABSA à un prix de marché et sur leurs propres deniers (par l’intermédiaire d’une ManCo), pouvait entraîner une requalification de la plus-value générée lors de la sortie en traitements et salaires.  L’avis, après une analyse détaillée de l’opération, insiste notamment sur l’absence de prise de risque final des dirigeants, qui selon lui, était assuré « de récupérer son investissement dans les BSA à leur prix de souscription initial, tout en étant susceptible de réaliser un gain substantiel en cas de succès de l’opération ». En l’espèce, le dirigeant était certain de récupérer son investissement si le TRI des investisseurs financiers était au moins égal à 0 % pour une sortie réalisée les deux premières années suivants la mise en place du LBO, égal à 2,5 % de la troisième à la sixième année et égal à 5 % après la sixième année. De plus, même lorsque le comité rend un avis défavorable à l’administration, considérant que celle-ci ne prouve pas que le dirigeant « était assuré, en droit ou en fait, de ne prendre aucun risque sur son investissement initial qu’elles que soient les circonstances de réalisation de l’opération », cette avis n’est pas toujours suivi par l’administration, qui redresse tout de même  (voir en ce sens l’affaire n°2013-10).

Plus généralement, force est de constater que l’administration fiscale tend à contester de façon systématique ce type d’instruments, quitte à devoir aller au contentieux.

 Action de « préférence négative » ?

Cela doit conduire le juriste à réfléchir aux nouveaux outils qu’il peut proposer dans le cadre de la mise en place des futurs management packages. A cet égard, l’action de préférence négative est un outil qu’il convient sans doute de considérer avec attention.

La doctrine quasi unanime se range à l’idée que l’action de préférence est, en réalité, non pas forcément une action privilégiée, mais simplement une action particulière, à savoir une action pouvant être affublée de droits particuliers mais aussi d’obligations et/ou charges particuliers. C’est d’ailleurs la loi elle-même qui prévoit la possibilité de créer des actions de préférence sans droit de vote (dans la limite de 50 % du capital social : article L. 228-11 du Code de commerce).

Rien n’interdit, dès lors, de créer des actions de préférence « particulièrement négatives, » (« surnégatives ») : action sans droit de vote et/ou sans droit à dividende pendant une durée déterminée (de quatre à cinq ans, par exemple) et action ne pouvant être convertie en action ordinaire qu’à l’issue d’un délai déterminé (à l’horizon de sortie du fonds par exemple dans le cadre d’un LBO ou d’une opération de capital risque).

 Conversion conditionnelle

Cette conversion peut de plus être conditionnée à l’atteinte d’objectifs de chiffre d’affaires et/ou d’Ebitda par la cible (ou autres critères financiers à déterminer), étant précisé qu’en l’absence de conversion en actions ordinaires, ces actions de préférence auront vocation à être rachetées à une faible valeur (valeur nominale par exemple) par la société cible, de manière à ce qu’un vrai risque financier soit pris par les dirigeants.  Les modalités de ce rachat doivent être précisées dans les statuts, dans le cadre de l’article L. 228-12 du Code de commerce (qui prévoit une procédure de rachat propre aux actions de préférence). L’utilisation de cette procédure spécifique de rachat implique néanmoins l’annulation des titres rachetés et une réduction en conséquence du capital social ainsi que la mise en jeu d’une procédure d’opposition des créanciers[1].

 Valider la valorisation avec décote

Ces actions de préférence négatives, dont l’émission est réservée à certains membres clés de la cible pourront alors être valorisées avec une décote importante. Afin de pouvoir justifier de façon objective cette décote, notamment vis-à-vis de l’administration fiscale, cette décote devra être validée, à l’instar de ce qui se pratique jusqu’à aujourd’hui s’agissant des BSA, par un tiers expert.

 Ces actions de préférence négatives bénéficieront ainsi d’un coût d’achat moindre que les actions ordinaires et d’une durée de détention leur permettant de bénéficier d’un abattement significatif sur la plus-value dégagée au jour de leur cession. A noter cependant que ces actions de préférence ne peuvent être inscrites dans un PEA depuis le 1er janvier 2014.

 Prévoir des cas de rachats anticipés

Il est également possible de prévoir des cas de rachat anticipé directement par la cible en cas de départ anticipé du dirigeant, étant précisé que les modalités financières de ce rachat devront continuer de générer un vrai risque pour le dirigeant y compris en situation de good leaver. La procédure de rachat propre aux actions de préférence prévue à l’article L. 228-12 est a priori à conseiller. Il serait néanmoins également possible d’envisager d’utiliser le nouveau régime général de rachat d’actions prévu à l’article L. 225-209-2 du Code de commerce (introduit par la loi du 14 mars 2012 mais dont le décret d’application est paru le 26 mai 2014 !).

Cette procédure, qui présente un certain nombre d’avantages (pas d’obligation d’annulation des titres rachetés et de réduction du capital subséquente, faculté de remployer les actions rachetées en vue de les attribuer à d’autres dirigeants ou dans le cadre d’opération de croissance externe), implique cependant impérativement un rachat selon une fourchette de valeur fixée par expert indépendant (nommé à l’unanimité des actionnaires ou à défaut par le président du tribunal de commerce), ce qui limite une partie de son intérêt, au moins en matière de rachat des actions du dirigeant pour cessation de ses fonctions anticipée.

 Samuel Schmidt – avocat associé UGGC Avocats

pour mémoire :
  • Ø  régime d’abattement général (art. 150-0 D, 1, 1 ter et 1 quinquies du CGI)
  • 50 % après une détention d’au moins deux ans
  • 65 % après une détention d’au moins huit ans,
  • Ø  régime d’abattement majoré pour les titres de PME créées il y a moins de dix ans (et non issues concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes) (article 150-O D, 1 quater B-1 du CGI)
  • 50 % d’abattement à l’IR après une détention d’au moins 1 an et moins de quatre ans,
  • 65 % après une détention d’au moins quatre ans et moins de huit ans,
  • 80 % après une détention d’au moins huit ans.


[1]Dans l’attente d’une ordonnance devant intervenir d’ici septembre 2014, en vertu de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à « simplifier et à sécuriser la vie des entreprises3 et qui prévoit en son article 3,2° de « sécuriser le régime du rachat des actions de préférence, s’agissant du régime de ce rachat et du sort des actions rachetées. »

Cet article a également été publié dans la revue Capital Finance en date du 28 juillet 2014.